samedi, avril 30, 2005


LA FRANC-MAÇONNERIE, EN COLLOQUE INTERNATIONAL SE CONFIE SANS SE DÉVOILER
Aux mystères, voire à la méfiance, qu'elle suscite autour d'elle, la franc-maçonnerie a toujours opposé une discrétion proverbiale, un réflexe façonné par des décennies de clandestinité et de persécutions subies tout au long de 250 années d'une tumultueuse histoire.
Tant et si bien que même les 12èmes Rencontres humanistes et fraternelles africaines et malgaches (Rhefram) qui se sont tenues au Palais des Sports de Mahamasina du 4 au 7 février et qui ont réuni près de 800 maçons dont des Grands maîtres (chefs) d'obédiences (une obédience regroupe les loges au niveau d'un pays. L'obédience malgache compte 5 loges) d'une quinzaine de pays, pas seulement africains puisque y avaient également pris part des représentants de France, de Belgique ou des Etats-Unis, sont passées quasiment inaperçues.
Ces assises, toujours organisées par la Conférence des puissances maçonniques africaines et malgaches (Cpmam), se déroulent chaque année dans un pays africain. Madagascar avait déjà accueilli les 8èmes Rhefram, en 2000. Les Rencontres de cette année étaient prévues se tenir initialement en Côte d'Ivoire mais à cause de la situation politique qui y prévaut, les responsables ont jugé bon de les déplacer sur Antananarivo. Le pays hôte assurant la présidence du Cpmam, l'honneur échoit au Malgache Andry Rabefarihy de diriger cette organisation continentale pour un an.
"Maçons, hommes et femmes de paix, comment prévenir les conflits armés en Afrique ?" fut le thème débattu durant les 4 jours des 12èmes Rhefram au Palais des Sports de Mahamasina. Les participants ont-ils jugé qu'ils ont bien répondu à la question ?
"A vrai dire, nous n'avons pas de réponses très fermes à ce sujet, commente Andry Rabefarihy, le nouveau président de la Cpmam. Nous avons dressé une série de conclusions provisoires qui serviront de recommandations à nos membres, dans leurs attitudes et comportements."
Et pour le public, lequel n'a pas, bien entendu, eu accès au Palais des Sports ? "Il n'y a pas de résolution à caractère matériel que l'on présente au public", tranche Apollinaire Ngwe, ressortissant camerounais et secrétaire général permanent du Cpmam. On lui fait remarquer que, décidément, la franc-maçonnerie ne fait rien pour faire taire les préjugés peu rassurants accumulés sur elle !
"Il ne faut pas oublier que notre organisation est avant tout une société à caractère philosophique, qui se consacre à la recherche de la vérité", déclare M. Ngwe, qui reprend à peu près la définition donnée par le Larousse à la franc-maçonnerie. Nous ne sommes pas une société secrète, et encore moins une secte. Nous n'avons ni dogme ni doctrine. Les maçons peuvent embrasser toutes les religions, toutes les tendances politiques qu'ils souhaitent, dans la considération des principes de base de l'organisation, à savoir le respect des autres, la conciliation des contraires… Au fond, nous essayons juste de rester honnêtes vis-à-vis de nos opinions."
Notons qu'une délégation des 12èmes Rhefam à Antananarivo fut même reçue à Ambohitsorohitra. Mais pas par Marc Ravalomanana, victime ce jour-là, dit-on, d'une extinction de voix.
:

Andry R. le 2004-2-9
Ils ont dit !
Ils ont toujours fasciné : les Templiers, les Jésuites, les Francs-Maçons. Quand les magazines et les journaux doivent en parler, ils en font inévitablement leur Une. Et Dan Brown, l'auteur à succès du best-seller planétaire "Da Vinci Code", l'a bien compris qui laisse son imagination fertile bâtir des romans sur les sociétés secrètes, ou réputées pour telles, Opus Dei ou Illuminati.
Un dignitaire de la Franc-Maçonnerie se trouve à Madagascar et sa présence n'a rien de confidentiel puisque des annonces dans la presse avaient convié le grand public à une conférence. Sur son agenda figurait même une entrevue avec le Président de la République Marc Ravalomanana. La démarche ne ressemble donc en rien aux conciliabules nocturnes "dans la vallée la plus profonde" qu'on prête généralement aux Francs-Maçons.
Mais, si Alain Pozarnik, "Grand Maître de la Grande Loge de France", est venu pour plancher publiquement sur la Franc-Maçonnerie, on aura noté que son propos ne peut concerner que la Franc-Maçonnerie en général. En ce qui concerne la Franc-Maçonnerie malgache en particulier, aucun interlocuteur crédible n'ose encore se dévoiler, laissant se développer les fantasmes populaires comme les mythomanies individuelles. Si ailleurs, la discrétion est gentiment désuète, le secret continue de régir le comportement des "Frères" malgaches : on ne s'affiche pas ouvertement Franc-Maçon et si on se dévoile, on ne révèle pas les autres. Victor Augagneur, Gouverneur de Madagascar après Gallieni, l'était, mais son prédécesseur n'a jamais été initié.
Si en France ou en Europe, la liberté des idées ou la liberté d'expression est une réalité pratique presque banale, Madagascar s'apparente encore à un stade moyenâgeux en ce domaine. L'An 1 du christianisme malgache ne remonte jamais qu'à 1869 et c'est pourtant ce jeune christianisme, encore prosélyte, encore susceptible, encore missionnaire, qui régente les attitudes et comportements de nombre de Malgaches. À Madagascar, plus qu'ailleurs, à la question "Qu'est-ce que la Franc-Maçonnerie ?" surgissent instinctivement clichés et caricatures d'un autre âge.
Dans l'imagerie populaire, le Franc-Maçon c'est le "mpaka fo" (vampire) ou le "mpanitsakitsaka baiboly" (profanateur de la Bible) et peu de gens savent que la Franc-Maçonnerie a véritablement œuvré pour de grandes avancées modernes : la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, les libertés dites citoyennes, voire l'abolition de la peine de mort. On a pu écrire que, Ranavalona III, avisant les lumières tremblotantes des membres de la Loge "310 Imerina", réunis à Ambohitsorohitra, se serait écriée : "Que peuvent faire à cette heure de la nuit ces Vazaha réunis en conciliabule ? Sans doute, ils trament un complot" (1).
Parce que dès le XIXème siècle, il y avait des loges maçonniques à Madagascar. La première serait donc la "310 Imerina", d'obédience Grande Loge de France, mais aussi "L'avenir malgache" créée en 1899 à Toamasina et devenue "L'indépendance malgache" du Grand Orient en 1905, et par la suite "France australe" (Antananarivo,1903), "les Trois Frères" (Majunga, 1910), "l'Action Républicaine" (Diégo-Suarez, 1913), etc. (2)
Du 4 au 18 février 1891, se déroula à Antananarivo un procès entre les Francs-Maçons et les Jésuites. D'un côté, MM. de Canonvile, Doeirer, Hanning, Mithridate, Poujard, et Rigaud, conduits par leur Vénérable Iribe, de la loge "310 Imerina"; et de l'autre, Mgr Cazet, évêque de Madagascar et le R.P. Bardou, supérieur de la Compagnie de Jésus (3). Dans une histoire de l'église imprimée en 1871, et dans le "Resaka" d'octobre 1880, les Jésuites de Madagascar avaient déjà exposé leurs vues sur la Franc-Maçonnerie, bien avant que ne paraisse, le 10 avril 1884, la Bulle "Humanum genus" du Pape Léon XIII condamnant la Franc-Maçonnerie.
Dans cet Antananarivo du XIXème siècle, cette épreuve de force de portée planétaire entre les deux "réseaux" les plus souvent mis à l'index, les "Soldats de Jésus" contre les "Fils de la Veuve", passa totalement inaperçue du grand public.


(1) cité par Adrien Boudou s.j., "Les Jésuites à Madagascar au XIXème siècle", tome 2, éd. Beauchesne et ses Fils, 1942, p. 371
(2) Monique Rakotoanosy-Ratrimoarivony, "Pouvoir colonial et laïcisation : la Franc-Maçonnerie et la question scolaire sur les Hautes-terres centrales de 1905 à 1910", in Omaly sy Anio, n°29-32, 1989-1990, p.360
(3) Gabriel Pain, Le procès des Francs-Maçons contre les Jésuites à Madagascar de 1891 à 1892, Bulletin de l'Académie Malgache, tome XLV-1, 1968, pp. 57-62:
sur express mada le 2005-03-26
By Nilsen RHEVI at http://nilsen.home.ro

Aucun commentaire: